Jean-Claude Lévy présente les “Clés pour agir”, un ouvrage collectif rédigé sous sa direction dans le cadre de sa mission Barnier/Canfin/Girardin au MAEDI. Il a été édité dans les publications Greencross, par WE Demain.
Depuis le dernier tiers du XXe siècle, la réussite incontestable de l’écologie industrielle, à l’échelle des établissements ou des parcs éco-industriels, pas seulement en France ou dans d’autres développés, engage à approfondir les modes de gestion des interfaces entre la planification urbaine, la maîtrise d’œuvre urbaine au sens larges des agglomérations et des communautés de communes, ainsi que et l’émergence de filières et d’établissements industriels mieux intégrés à « l’espace-temps » des territoires comme à l’intérêt bien compris de ces derniers et de leurs habitants.
L’enjeu du XXIe siècle c’est alors tout particulièrement l’exercice de la coopération, des solidarités locales économiques et impérativement sociales. La coopération décentralisée (action extérieure des collectivités locales) en est tout particulièrement partie prenante.
Dans cette perspective l’ensemble des dynamiques intégratives de l’économie circulaire (écologie industrielles, éco-conception, économie de fonctionnalité, etc., est désormais pensé et mis en œuvre, vers une transition énergétique, écologique, à l’encontre de la Crise économique et sociale qui persiste depuis bientôt dix ans. Cela ne saurait advenir sans que les Pays en développement (PED), les pays les moins avancés (PMA), les pays les plus pauvres très endettés (PPTE), où les économies sont encore massivement « informelles », fussent étroitement associés, de façon générale, à l’exercice des politiques industrielles et territoriales, de surcroît dans une optique résolue de proximité et de solidarité, loin de xénophobie comme c’est parfois le cas.
C’est ainsi que, sur la route d’Habitat III et de Cop 22 et au-delà, aussi l’horizon de l’économie circulaire constitue désormais un vecteur de développent intégré, dont les grande conférences multilatérales, du XXIe siècle devront nécessairement se saisir.
Sur cette route on parlera d’écologie en tant que science des écosystèmes (Tansley, 1935). On parlera d’économie, concernant l’usage des ressources naturelles, leurs transformations afin de produire des biens matériels ou immatériels, la façon de les échanger et de les consommer, tout-ensemble. On parlera de circularité, au titre du déplacement en boucle des personnes ou de biens, dans l’espace. On parlera d’économie circulaire comme d’une tentative de réponse à la crise symptomatique de 2008, et comment réguler le système marchand de l’élargissement du Capital, implacable à l’encontre du progrès social et de la protection des écosystèmes. On parlera enfin des villages, districts, municipalités, régions, niveaux d’organisation administratifs où des opérateurs jouent, à l’échelle microscopique « l’opéra de quatre sous » de la macro économie, qui paraît elle-même commander notre mode de production de consommation et d’échange et mettre les écosystèmes mal en point.
On observera précisément tout cela, depuis ces espaces géographiques situés dans le désordre aux quatre coins du monde, nécessairement en France, où l’économie circulaire est expérimenté sous nos yeux, mais aussi en Afrique, dans les îles, en Nouvelle-Calédonie, outre-mer, au Québec, au Sénégal, en Côte d’Ivoire, en Chine, etc., où des modèles sont parfois opérationnels, le plus souvent seulement ébauchés, lorsqu’il s’agit de procédures de coopération décentralisée, voire seulement implicites, comme à Dakar avec le Plan Climat. On observera que le climat est un facteur incitatif considérable pour conduire les pouvoirs locaux vers l’économie circulaire.
On mesurera les phénomènes observables à l’échelle spatiale de la multipolarité et du « développement inégal », lui-même sanctionné positivement à COP21, par 195 états, à la faveur d’allocations de ressource envisagées d’une façon différentielle, selon que l’on est pays développé, en développement (PED) ou moins avancé (PMA). On mesurera la position de l’économie circulaire d’une part à l’échelle séculaire de la longue durée, d’autre part à l’échelle éphémère de quelques décades généralement imparties à l’action économique et politique.
On ne formalisera pas de recette pour préparer, ici où là, la cuisine de l’économie circulaire. Celle-ci ne pousse pas hors-sol et ne saurait appartenir qu’au territoire et aux opérateurs publics et privés qui l’envisagent, tout particulièrement dans le PED et les PMA : par exemple à Dakar l’habitat, la mécanique, la pêche, l’agriculture, la récupération et recyclage sont dominés par « l’informel », c’est à dire par une force de travail et de vie dont la traçabilité est improbable. C’est là que cela se joue, se formalise éventuellement.
On s’attachera enfin peu à peu à formuler un vocabulaire adéquat (ressources naturelles, écologie, écosystèmes, niveaux d’organisation, fonctionnent en boucle, circularité, multi-polarité, développement inégal…), pour appeler un chat un chat, on évitera à terme des facilités de langage, des mots valises souvent intraduisibles, dans différentes langues sinon par autre chose que par de vagues notions qui ne recouvrent ni la réalité géographique, ni historique des phénomènes observés, mesurés, projetés. Enfin, on ne donnera pas de modèle mais on proposera un trousseau de clés pour agir, en coopération décentralisée, parce que principalement, dans PED et les PMA c’est dans une maison de «l’informel » que sous voulons entrer.
Il ne faut pas rêver, l’économie circulaire ne saurait s’imposer du dehors, où que ce soit, mais au contraire elle doit être observée, mesurée, « barguignée », avec L’Etranger, de telle sorte qu’elle soit véritablement habitable pour tous.
J.C. Lévy