Dans un contexte de tension accrue sur les ressources naturelles, l’économie circulaire permet de faire de nos déchets une mine de matières premières secondaires.
En France, la matière recyclée représente seulement 4 % du total de la matière utilisée dans l’industrie.
En partenariat avec La REcyclerie, la fondation Veolia organise chaque année un cycle de conférences destinées aux jeunes sur le thème de l’économie circulaire. Des experts issus de différents horizons viennent leur exposer les grands enjeux et les clés d’une économie plus respectueuse de la planète.
Organisée lors de la Semaine européenne de réduction des déchets, la cinquième et dernière conférence de l’année 2017 se devait de porter sur le thème… des déchets ! Leur réutilisation et leur valorisation sont au cœur de l’économie circulaire. Dans un contexte de raréfaction globale des ressources naturelles, il s’agit de transformer les rebuts des uns en matières premières pour les autres.
Pour une version longue
Une criticité réelle des matières premières
« Il y a une réelle criticité physique et géographique des matières premières dans le monde », commence Emeric Fortin, professeur à l’École nationale des ponts et chaussées.
Celle-ci est encore plus importante que la criticité des énergies, dont on parle pourtant davantage.
Par exemple, si l’on se base sur les taux d’utilisation de l’année 2015, il ne reste que 16 années avant d’avoir entièrement épuisé les ressources en indium, cette matière utilisée pour fabriquer les écrans plats de nos téléviseurs, ordinateurs et Smartphones.
Ainsi, dans le système linéaire qui est le nôtre, si l’on ne trouve pas une alternative en termes de matière, on ne saura bientôt plus fabriquer certains objets. La solution la plus logique consiste à récupérer les ressources dans nos déchets. C’est le principe de l’économie circulaire.
Industrialiser le recyclage
Aujourd’hui, sur les 4 milliards de tonnes de déchets produits chaque année dans le monde, seuls 25 % sont valorisés. C’est bien trop peu. En France, la matière recyclée représente seulement 4 % du total de la matière utilisée dans l’industrie. Ces taux très faibles démontrent bien que l’essentiel reste à faire.
Pour Emeric Fortin, l’enjeu est de passer à une grande échelle. « Il faut que dans les années qui viennent, la matière première venant du recyclage passe de 4 % à 40 % puis à 80 % ». Cela implique d’investir fortement en Recherche & Développement (R&D) et de réussir à mettre en lien les acteurs qui produisent des déchets avec ceux qui pourraient les réutiliser.
« Nous devons atteindre le même niveau d’industrialisation sur la déconstruction que sur la construction. Il y a réellement une viabilité du recyclage à mettre en œuvre ».
Quelques exemples de solutions opérationnelles
Voici quelques exemples de la manière dont il est possible de transformer les déchets – quelle que soit leur nature – en ressources.
Aux Pays-Bas, l’usine de torréfaction de café Douwe Egberts Master Blenders souhaitait augmenter ses ventes, donc sa production de café, tout en réduisant ses émissions de gaz à effet de serre. Après trois ans de R&D, Veolia lui a proposé de valoriser le marc de café issu de ses process de production en bio-carburant, pour remplacer le gaz naturel utilisé dans la chaudière. Un bel exemple de boucle locale d’économie circulaire, qui permet à l’usine de réaliser 1 million d’euros d’économies sur sa facture énergétique annuelle.
En France, on estime qu’un tiers des produits alimentaires sont gaspillés. En partenariat avec Veolia, la start-up Eqosphère valorise les déchets alimentaires. D’une part, en distribuant les invendus encore consommables à des associations. D’autre part en réalisant des diagnostics dans les supermarchés sur le volume et le type de déchets générés. Cela permet de réduire le gaspillage en amont et d’orienter les déchets dans les bonnes filières de tri en aval. En un an, dans une centaine d’hypermarchés, cette solution a permis de redistribuer l’équivalent de 14 millions de repas.
Enfin, les eaux usées peuvent également être recyclées. Dans le monde, seuls 2 % d’entre elles sont valorisés, précise Amélie Rouvin de Veolia. Pourtant, il est possible de récupérer la chaleur dégagée par les micro-organismes présents dans les eaux grises. Avec cette technique, appelée Energido, Veolia chauffe tout un centre aquatique à Arras, dans le nord de la France.
Le levier du cadre législatif et réglementaire
Le cadre réglementaire est un levier efficace pour accélérer la transition vers une économie circulaire. Pour Hugo Maurer de l’Institut national de l’économie circulaire, « les lois donnent des outils concrets qui permettent aux entreprises de se structurer ».
Par exemple, depuis 2012, en France, la loi a rendu obligatoire pour les entreprises, la tenue d’un registre pour référencer tous leurs déchets sortants. Chaque déchet doit être classé suivant une nomenclature précise, définie par la réglementation. La tenue de ce registre permet ainsi à l’entreprise de connaître les coûts liés à leur enlèvement, leur stockage ou leur recyclage. Des informations précieuses qui peuvent les aider à prendre les bonnes décisions pour réduire leur production globale de déchets.
En 2017, la Commission européenne a adopté le « Paquet sur l’économie circulaire » fixant notamment un objectif de 70 % de recyclage des déchets municipaux d’ici 2030, au sein de ses états membres.
« Les intérêts sont immenses autour de la revalorisation des déchets, explique Hugo Maurer. Il y a des gagnants et des perdants. Les directives permettent de trancher et de fixer un cadre clair. Il faut également réformer les normes en permanence pour qu’elles s’adaptent à l’évolution de la réflexion autour de l’économie circulaire ».
Pour conclure, le passage à une économie circulaire nécessite de repenser entièrement notre fonctionnement actuel. Tous les acteurs sont impliqués : entreprises, collectivités, associations, citoyens. C’est le travail de toute la nouvelle génération d’inventer ce nouveau modèle !