Comment mettre en place un mode de vie durable avec l’économie circulaire ?
Le 11 septembre 2018, La REcyclerie a fait salle comble pour la troisième « Conférence circulaire » de l’année (13e du cycle 2C), organisée par la Fondation Veolia. Destiné principalement aux étudiants et au grand public, ce cycle annuel de quatre conférences a vocation à partager les grands principes et enjeux de l’économie circulaire.
Animées par le réseau de jeunes CliMates, les conférences font intervenir différents experts en fonction de leur thème : alimentation responsable, transition énergétique, préservation des océans, etc. L’événement de la rentrée était consacré au mode de vie durable. La question principale étant : comment nos manières de produire et de consommer peuvent-elles être plus responsables ?
Un double constat : raréfaction des matières et explosion démographique
Pourquoi avons-nous besoin de l’économie circulaire ? « Tout part d’un constat très simple : nous avons quasiment épuisé les ressources naturelles », explique Emeric Fortin, professeur à l’École des Ponts ParisTech. « Par exemple, si l’on regarde les taux d’indium – cette matière utilisée pour fabriquer les écrans plats de nos smartphones et ordinateurs –, les réserves seront totalement épuisées dans seize ans. »
Le deuxième constat est rappelé par Amélie Rouvin, responsable de l’engagement Économie circulaire chez Veolia. « Les estimations prévoient que nous serons 9 milliards d’habitants sur la planète d’ici 2050. Cela signifie autant de besoins en énergie, en eau, en nourriture, ou encore en surfaces agricoles. »
L’enjeu est donc clair : il s’agit de subvenir aux besoins de la population mondiale tout en ayant un impact minimum sur la planète.
Pour l’instant, nous sommes cependant loin du compte. En effet, si l’on veut respecter les accords de Paris – c’est-à-dire limiter la hausse des températures en dessous de la barre des 2 °C –, non seulement il faut amorcer une décroissance des émissions de CO2, mais cela signifie aussi qu’en 2070, nous devrons arriver à un taux zéro. C’est-à-dire zéro émission lorsque l’on se déplace, lorsque l’on mange ou encore lorsque l’on se chauffe.
On peut probablement compter sur le progrès technique pour nous aider à réduire notre impact, mais le progrès seul ne suffira pas. Il y a un vrai enjeu systémique. « En résumé, si nous ne modifions pas nos manières de produire, de consommer ou encore de nous déplacer au quotidien, nous serons rapidement confrontés à de sérieux problèmes d’accès aux matières et de dégradation de notre environnement. Avec des conséquences désastreuses : appauvrissement de la biodiversité, raréfaction de l’eau potable, montée des eaux, etc. », affirme Emeric Fortin.
Changer nos modes de vie avec l’économie circulaire
L’économie circulaire peut nous aider à changer nos modes de vie. Elle propose un vrai changement de paradigme économique et sociétal. « On a tendance à la cantonner au recyclage, mais l’économie circulaire est bien plus vaste que cela », explique Amélie Rouvin. On parle ainsi de sept piliers :
1. Le recyclage
Pour Amélie Rouvin, l’un des enjeux majeurs à l’heure actuelle est le recyclage du plastique. « Dans la plupart des cas, le plastique est “down-cyclé”, c’est-à-dire recyclé d’une manière qui lui fait perdre de la valeur par rapport à son état initial : en fibre textile ou en isolant, par exemple. » Contrairement à ce que l’on pense, le « bottle to bottle » – bouteille à bouteille – est encore rare. L’Allemagne compte parmi les pays les plus avancés en la matière : le site de Veolia à Rostock, par exemple, valorise 1 milliard de bouteilles par an. Nous passons du monde du recyclage au monde du fournisseur de « matières premières secondaires ». Transformer les déchets en ressources est en effet le meilleur moyen d’éviter l’extraction des matières premières vierges.
2. Le réemploi, la réparation et la réutilisation
Le réemploi consiste à remettre dans le circuit économique le produit dans son état initial (en le revendant ou le donnant, par exemple). La réparation permet de réhabiliter les biens en panne. Enfin, la réutilisation désigne le fait d’intégrer les composants d’un produit dans d’autres cycles de conception.
3. La consommation collaborative et l’usage
Mutualisation des biens, partage de services … la consommation collaborative se développe rapidement depuis une dizaine d’années. Elle permet notamment de maximiser l’usage des produits et d’allonger leur durée de vie.
4. L’économie de la fonctionnalité
Dans l’économie de la fonctionnalité, on achète l’usage d’un produit plutôt que le produit en lui-même.
« Il faut par exemple se poser la question de la nécessité de posséder une voiture, autrement dit 1 tonne de matière immobilisée 96 % du temps. D’un point de vue environnemental, il est bien plus intéressant d’en louer une – donc de louer le service de la mobilité – plutôt que d’en être propriétaire », explique Emeric Fortin.
5. L’écoconception
L’écoconception suppose de concevoir un produit en appréhendant tout son cycle de vie, de manière à pouvoir le recycler ou réutiliser ses composants, une fois ceux-ci devenus obsolètes.
Par exemple, Castorama a mis au point avec Veolia un plan de travail pour cuisine écoconçu – le Cooke & Lewis Infinite. Non seulement il est totalement issu de ressources renouvelables (35 % de bois et 65 % de plastique recyclés), mais il est également 100 % recyclable une fois arrivé en fin de vie.
6. L’extraction et achats durables
Les entreprises et les collectivités sont invitées à adopter une politique d’achat responsable en prenant en compte les critères environnementaux dans leurs décisions. Une attention particulière doit être portée aux méthodes d’extraction des ressources, phase la plus polluante.
7. L’écologie industrielle et territoriale
Il s’agit d’organiser en réseau des acteurs sur un même territoire pour optimiser les échanges de flux d’énergie et de matières entre eux.
Par exemple, le centre de valorisation des déchets de la zone portuaire du Havre approvisionne les industries voisines en énergie en parvenant même à valoriser le CO2 émis par le site.
« Chaque acteur a un rôle à jouer pour transformer nos modes de production et de consommation : les fabricants, les entreprises, les collectivités, l’État, les associations, et bien sûr les citoyens », rappelle Amélie Rouvin.
Yoyo, une start-up qui optimise le recyclage
La start-up Yoyo agit justement pour optimiser le pouvoir de l’action citoyenne. Créée en 2016, elle s’est donné pour mission de doubler le taux de recyclage du plastique dans les villes en un an. Comment ? « Nous pensons que la moralisation ne fonctionne pas, nous avons préféré miser sur la récompense pour inciter les citoyens à devenir des trieurs engagés », explique Eric Brac de La Perrière, son fondateur.
Dans une ville ou un quartier, Yoyo recrute des « têtes de réseau », sorte de coachs référents. Ils distribuent aux volontaires du voisinage des sacs de tri numérotés et des conseils pour sélectionner les déchets. La consigne est originale : un seul type de déchet par sac. « Il y a un paradoxe en France : on mélange tous les déchets dans les sacs de tri, puis à l’usine, il y a quelqu’un qui se charge de les séparer. Mettre un seul déchet par sac permet justement d’optimiser le recyclage. »
Grâce aux numéros inscrits sur les sacs, les habitants peuvent suivre tout le parcours de leurs déchets recyclés en circuit court. Par ailleurs, pour chaque sac, ils reçoivent des points. Au bout d’un certain nombre de points, ils accèdent à des avantages : place de cinéma, bon d’achat, réduction, etc.
Dans les quatre villes où Yoyo est implantée en France – Bordeaux, Lyon, Mulhouse, Marseille –, le volume de recyclage atteint les 85 %, tandis qu’il plafonne plutôt aux alentours de 10 % dans les autres villes. « Les gens sont heureux de recycler, ils ont la sensation de faire une bonne action et cela crée du lien social au sein du quartier. Notre action prouve bien que l’on peut changer notre rapport aux déchets dans la joie et la bonne humeur », conclut Eric Brac de La Perrière.
Le cadre politique et légal de la consommation durable
Les États et les collectivités locales ont également un rôle clé à jouer dans le déploiement de l’économie circulaire. En mettant en place un cadre réglementaire et légal propice, ils peuvent en effet aider à transformer à grande échelle notre modèle économique.
Marline Weber, de l’Institut national de l’économie circulaire, détaille les principales directives existantes : « On peut citer, au niveau international, les 17 objectifs de développement durable signés par les pays membres de l’ONU, le “paquet économie circulaire” au niveau européen, et enfin, au niveau national, la loi de transition énergétique promulguée en 2015 ainsi que la feuille de route économie circulaire éditée en 2018. »
D’une manière générale, les États peuvent agir avec trois leviers principaux :
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Par la réglementation. Il y a par exemple en France des produits en voie d’interdiction : les billes de plastique dans les produits cosmétiques (2018), la vaisselle en plastique (2018) ou encore les cotons-tiges (2020). De la même manière, l’obsolescence programmée – c’est-à-dire les techniques utilisées par les industriels pour réduire délibérément la durée de vie de leurs produits – est un délit depuis 2014.
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Par l’incitation. Le principe de la collecte des déchets en tarification incitative fait par exemple partie de la feuille de route économie circulaire. Elle est déjà en place dans certaines communes, comme Besançon, où la taxe sur les déchets est indexée au poids. Cela a permis de réduire considérablement le volume des poubelles et d’augmenter celui des déchets triés. On estime ainsi que chaque foyer fait environ 200 € d’économies par an grâce à cette mesure.
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Par la sensibilisation. Il s’agit de tout ce qui regroupe l’information, l’éducation et les publications. « Nous sommes par exemple fiers, à l’Institut national de l’économie circulaire, que notre proposition d’éduquer au principe de l’économie circulaire dès le primaire ait été retenue dans la feuille de route du gouvernement. »
Surtout, nous sommes tous acteurs de l’information. C’est le rôle de chacun d’entre nous de discuter avec son entourage – amis, famille, collègues – pour les sensibiliser à l’importance de faire évoluer nos modes de vie. « Et vous pouvez d’ailleurs commencer dès ce week-end en participant au World CleanUp Day le 15 septembre. Une journée mondiale de mobilisation lors de laquelle tout le monde peut participer à nettoyer l’environnement », conclut Amélie Rouvin.
Source : Plateforme Living Circular, Veolia