Conférence 2C : RÉduire notre consommation de ressources, levier d’une sobriété heureuse

L’activité humaine compromet la capacité de régénération du système terre, d’où l’urgence d’instaurer une économie de la ressource basée sur le principe de « sobriété heureuse. »

Le 21 mai 2019, la Fondation Veolia organisait sa deuxième conférence « 2C » de l’année à La REcyclerie ; un tiers-lieu d’expérimentation dédié à l’écoresponsabilité. Organisé depuis maintenant quatre ans, ce cycle annuel de conférences a pour objectif de faire connaître au grand public, et plus particulièrement aux étudiants, les grands principes de l’économie circulaire. Animées par CliMates – le réseau de jeunes engagés autour des enjeux climatiques –, les conférences font intervenir divers experts en fonction des thèmes abordés. La thématique de cette soirée portait sur la réduction de notre consommation de ressources, levier vers une sobriété heureuse. « Il faut que nous parvenions à réduire de manière drastique notre consommation », a rappelé Dominique Bourg – philosophe, professeur et parrain du cycle 2C – dans une vidéo projetée en introduction.

L’endettement écologique de l’humanité

Pourquoi est-il si crucial de réduire nos niveaux de consommation aujourd’hui ? Tout simplement car le rythme auquel nous utilisons les ressources naturelles est plus intense et plus rapide que la capacité de la planète à les reconstituer. Aujourd’hui, l’équivalent de 1,7 planète est nécessaire pour assouvir les besoins de l’humanité. Si toute l’humanité vivait comme des Français, nous aurions besoin des ressources de trois planètes. « Nous avons une dette écologique envers la planète », précise Amélie Rouvin, responsable économie circulaire chez Veolia. En 2019, le jour du dépassement – c’est-à-dire le moment à partir duquel nous vivons à crédit – a eu lieu le 1er août et il ne cesse d’avancer chaque année. « Le plus alarmant est que cette courbe de consommation s’accélère », ajoute Amélie Rouvin. Pour revenir à l’équivalent d’une planète, il faudrait diviser notre consommation de ressources par dix.

Changer de paradigme économique

C’est d’autant plus problématique qu’en 2050, la population mondiale atteindra 10 milliards d’individus, selon l’Institut national d’études démographiques (INED). Cela signifie tout autant de besoins croissants en matières premières, en eau, et en énergie… « Dans l’absolu, nous pourrions vivre à 10 milliards sur Terre », explique Amélie Rouvin. À condition de changer de paradigme économique. En effet, « notre système économique actuel dit “linéaire” – qui consiste à extraire, produire, consommer, jeter – n’est pas soutenable, avec des conséquences sur une partie de la population mondiale qui fait face au stress hydrique, mais aussi sur la perte de biodiversité ». Il est donc urgent de repenser entièrement notre manière de produire et de consommer. « Entreprises, pouvoirs publics, citoyens… tous les acteurs ont un rôle à jouer pour activer cette transformation vers une économie circulaire, dont la finalité ultime est de réduire la consommation de ressources », a souligné Amélie Rouvin.

À lui seul, le recyclage n’est pas suffisant

On associe souvent l’économie circulaire au recyclage, mais ce dernier n’en est en réalité que l’un des 7 piliers. Et surtout, il n’est pas le plus efficace, même s’il est impératif. En effet, le recyclage s’accompagne souvent aujourd’hui d’une perte de valeur. Par exemple, un ordinateur neuf qui coûte plus de 500 € à l’achat, après quelques années, une fois devenu déchet, ne vaut plus que 100 € la tonne !
Une différence énorme, qui doit notamment nous inciter à trouver des manières de préserver la qualité des matières lorsqu’elles sont recyclées.
C’est justement tout l’objectif d’un partenariat conclu entre Veolia, le Groupe SEB, leader dans le domaine du petit électroménager, et l’organisation à but non lucratif Eco-systèmes. Ces derniers collectent des déchets électriques et électroniques et les acheminent jusqu’à une usine Veolia qui se charge de les trier et de les recycler. Le plastique récupéré est ensuite réutilisé par SEB dans la production de nouveaux fers à repasser vendus en magasin. « On pourrait croire que ce processus est simple et généralisé, mais trois années de recherche et développement ont été nécessaires pour atteindre notamment une qualité de matière recyclée similaire à la matière vierge, répondant ainsi aux exigences de l’industriel SEB », souligne Amélie Rouvin. Au-delà de cette démarche d’écoconception, SEB a également réfléchi à proposer à ses consommateurs une offre de location, vendant ainsi un service, l’usage d’un bien plutôt que le produit lui-même (c’est le principe de l’économie de la fonctionnalité).
S’il est indispensable de réfléchir à des solutions pour valoriser les déchets encore inexploités (les trois quarts des 4 milliards de déchets générés dans le monde chaque année ne sont pas valorisés), le recyclage, même optimisé, n’est toutefois pas suffisant à lui seul pour compenser la hausse de notre consommation. Pour aller vers plus de sobriété, il faut avant tout privilégier des activités de réparation et de réemploi des objets. Pour reprendre l’exemple de l’ordinateur portable, en le réparant ou en le revendant d’occasion, sa durée de vie et sa valeur sont prolongées et l’usage des ressources qui ont été nécessaires à sa fabrication est optimisé.

La timide apparition du concept de « sobriété » dans les politiques publiques

Lorsque l’on évoque le terme de « sobriété », de quoi parle-t-on exactement ? D’un mode de vie consistant à réduire volontairement sa consommation. Apparu en 2010, lors de la publication de l’essai Vers la sobriété heureuse de Pierre Rabhi, le terme a depuis fait une apparition timide dans les politiques publiques, comme le précise Marline Weber, chargée de mission à l’Institut national de l’économie circulaire. Il est par exemple cité dans la Feuille de route pour l’économie circulaire présentée par le ministère de la Transition écologique et solidaire le 23 avril 2018. Au niveau européen, la « sobriété énergétique » est évoquée notamment dans le Paquet énergie climat de l’Union européenne.
Cette sobriété concerne les industriels, mais elle est aussi l’affaire de chacun. En France, des politiques facilitatrices de changements individuels poussent en ce sens, qu’il s’agisse : D’éduquer et de sensibiliser la population.
De mettre à disposition des infrastructures qui favorisent l’économie de la fonctionnalité : autopartage, vélos en libre-service, etc.
De mettre en place des mesures plus incitatives : par exemple, avec la Redevance incitative pour la collecte des déchets ménagers, moins on génère de déchets non recyclables, moins on paie de taxe.
D’interdire certaines pratiques : par exemple l’obsolescence programmée – une technique utilisée par les fabricants pour réduire volontairement la durée de vie d’un produit et inciter le consommateur à acheter davantage – est, en France, un délit passible de deux ans de prison, inscrit dans la loi depuis 2015.
La simplicité volontaire : vivre mieux avec moins
Pour terminer cette conférence consacrée à la sobriété heureuse, Julien Vidal a témoigné de son expérience de citoyen engagé. De 2012 à 2016, le jeune homme, aujourd’hui âgé de 33 ans, a vécu en Colombie puis aux Philippines. Engagé dans des associations internationales dans le cadre d’un Volontariat de solidarité internationale (VSI), il travaillait auprès des populations des bidonvilles. À son retour en France, il est frappé par l’opulence matérielle de notre société occidentale. Une société qui, paradoxalement, ne semble pas trouver dans cette surconsommation un plus grand bonheur.
Il commence alors à expérimenter de nouvelles manières d’être un écocitoyen vertueux et crée son blog Ça commence par moi. Pendant un an, il se met au défi d’appliquer quotidiennement une nouvelle action en faveur de la planète : acheter des vêtements d’occasion, composter ses déchets organiques, prendre la décision de ne voyager en avion qu’une fois tous les trois ans, etc. Résultat : Julien Vidal ne consomme aujourd’hui plus que l’équivalent de 0,8 planète. Et son projet a fait des émules. « De plus en plus de personnes sont fières de dire : “ça commence par moi”, s’enthousiasme le citoyen engagé. Nous sommes la génération qui va réinventer une manière de vivre plus sobre et plus durable. » Il est en effet convaincu que chacun de nous a le pouvoir de rayonner pour construire une société où l’on vit mieux avec moins et en étant plus heureux. Un enthousiasme communicatif !

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