Le 10 septembre 2019, la Fondation Veolia organisait sa 3e conférence de l’année et 17e du cycle « 2C » à La REcyclerie ; un tiers-lieu d’expérimentation consacré à l’écoresponsabilité. Ce cycle annuel de quatre conférences a pour objectif de sensibiliser les étudiants et jeunes actifs aux grands enjeux de l’économie circulaire. Animées par CliMates – le réseau international de jeunes engagés pour lutter contre le changement climatique –, les conférences font intervenir plusieurs experts.
Au programme de cette soirée : Réparer pour redonner de la valeur à notre consommation et à la nature. « En réparant, on obtient le même service avec très peu de flux de matière et d’énergie additionnelle. La valeur d’usage, quant à elle, reste importante », rappelle Dominique Bourg – philosophe, enseignant et parrain du cycle 2C – dans une vidéo projetée en introduction.
Un projet de loi pour renforcer la responsabilité des producteurs
À l’occasion de cette conférence, Marline Weber, chargée de mission à l’Institut national de l’économie circulaire, est revenue sur le projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage. Ce dernier comporte des points majeurs en matière de réparation, dont la mise en place d’un indice de réparabilité. Selon le même principe que l’étiquette énergie, ce dernier sera bientôt visible sur le produit ou sur son emballage. Le consommateur verra ainsi clairement s’il est facilement réparable, difficilement réparable ou non réparable et fera ses choix d’achat en connaissance de cause. Reste à définir, avec le législateur, si le terme « réparable » se réfère à un objet que le consommateur peut remettre en état lui-même ou si seul le fabricant peut le faire.
Pour favoriser la réparation, une autre mesure devrait permettre au consommateur de bénéficier d’une information complète et fiable sur la disponibilité des pièces détachées lors de l’achat de certains produits : meubles, téléphones mobiles, matériel informatique, petit et gros électroménager. « À l’heure actuelle, si aucune pièce détachée n’est disponible, le fabricant n’est pas dans l’obligation de l’indiquer. Cela peut en effet induire le client en erreur. De surcroît, il coûte parfois plus cher de réparer un produit que d’en acheter un nouveau », explique Marline Weber. C’est pourquoi le réparateur sera également tenu de proposer au consommateur des pièces détachées d’occasion.
Enfin, le principe du pollueur-payeur devrait être renforcé via cette même loi : les entreprises n’auront pas seulement l’obligation de financer la fin de vie de leurs produits, mais seront incitées à fabriquer des produits plus durables. Car un produit bien pensé est aussi un produit qui pollue moins lorsque l’on s’en sépare.
Revaloriser ce que l’on considère comme « bon à jeter »
C’est que le défi est colossal. Face au rythme toujours plus rapide auquel nous épuisons les ressources naturelles, la Terre n’a pas la capacité de les reconstituer. Aujourd’hui, l’équivalent de 1,7 planète est nécessaire pour répondre aux besoins de l’humanité. « Notre influence est telle que nous sommes entrés dans l’ère géologique de l’Anthropocène, où les activités humaines affectent l’écosystème terrestre », s’alarme Amélie Rouvin, responsable de l’engagement Économie circulaire chez Veolia.
Pour préserver la planète, il est donc impératif de revoir notre modèle économique « linéaire », qui consiste à extraire, produire, consommer et jeter. C’est justement ce que propose l’économie circulaire. L’un de ses sept piliers vise à réparer les produits que l’on considère trop souvent comme « bons à jeter ». « Le recyclage n’est pas suffisant et ne peut compenser la hausse de la consommation des ressources naturelles. Réparer devient vital pour apprendre à mieux gérer la ressource à long terme et in fine, réduire notre consommation », précise Amélie Rouvin.
Mettre à disposition des lieux de réparation et d’échange d’objets
Pour cela, il convient de mettre à disposition du plus grand nombre des lieux de collecte, d’échange et de réparation d’objets, à l’instar de l’Atelier de REné. Installé à La REcyclerie, il propose aux adhérents de venir y réparer gratuitement leur petit électroménager : aspirateur, sèche-cheveux, mixeur, grille-pain, etc.
Les consom’acteurs peuvent également louer des outils. Une économie du partage vertueuse lorsque l’on constate qu’une perceuse sert en moyenne 12 min sur toute sa durée de vie, selon Martin Liot, responsable d’exploitation de La REcyclerie.
De son côté, Veolia a mis en place, au cœur de Bordeaux, une déchèterie urbaine qui ne se limite pas uniquement à la gestion des déchets. Baptisée Recycl’Inn Shop, elle donne également la possibilité aux habitants du quartier d’y échanger leur petit électroménager et leurs jouets encore fonctionnels. Régulièrement, des ateliers de réparation y sont également organisés afin d’apprendre de manière ludique et conviviale.
Mais la question de la réparation ne se limite pas uniquement aux matériaux. « Réparer, c’est aussi restaurer nos sols grâce à des activités de compostage », précise Amélie Rouvin, qui cite notamment l’exemple de la mairie de Paris. Depuis peu, la capitale française distribue en effet gratuitement des composteurs individuels aux habitants.
Aller chercher le bois dans nos villes plutôt que dans nos forêts
Et si l’on allait au-delà de la réparation ? Il s’agirait, par exemple, de récupérer des matériaux dont on n’a plus l’usage pour les transformer en produits de qualité supérieure. C’est tout le principe du surcyclage ou upcycling. « Une forme particulière de réparation », précise Julien Richardson, directeur de l’entreprise d’insertion Extramuros, spécialisée dans cette nouvelle forme de valorisation des ressources.
L’idée d’Extramuros a germé en 2007 dans la tête de deux artistes franciliennes et d’un entrepreneur social. Ensemble, ils ont eu l’idée de récupérer le bois dans la ville plutôt que dans les forêts et de lui donner une seconde vie, grâce à des travailleurs en réinsertion. Depuis, l’atelier de création propose du mobilier haut de gamme à des entreprises soucieuses de la responsabilité de leurs achats, telles que Veolia, La Poste ou encore VINCI Construction. C’est d’ailleurs au centre de tri Veolia de Gennevilliers que les équipes d’Extramuros se sont installées. Elles n’ont ainsi qu’à parcourir une cinquantaine de mètres pour se fournir en matière première. « Nous fabriquons des meubles sur mesure pour fournir une réponse adaptée aux besoins des entreprises afin de prolonger le cycle de vie des objets », précise Julien Richardson.