L’économie circulaire vue par Barbara Pompili

Barbara Pompili, Présidente de la Commission développement durable et aménagement du territoire, a accepté de répondre à nos questions et de nous parler de sa vision de l’économie circulaire.

Quel est votre sentiment par rapport au potentiel que représente l’économie circulaire pour notre société, en termes économiques, environnementaux et sociaux ?

L’économie circulaire représente un très fort potentiel de développement durable, en offrant la possibilité de changer de paradigme par rapport à l’économie linéaire qui a prévalu jusqu’à aujourd’hui dans notre société de consommation. Réfléchir à optimiser le cycle de vie du produit, plutôt que «  produire – utiliser – jeter » comporte des avantages environnementaux indéniables, en termes de consommation d’énergie, d’utilisation des matières premières ou de production de déchets. C’est aussi un modèle d’économie qui permet la création de nouveaux emplois, liés au recyclage et à la réparation, mais également aux nouveaux services de réemploi, comme la consigne sur les bouteilles en verre ou le compost, qui nécessitent un travail de collecte, de traitement et de redistribution. Par ailleurs, ces nouveaux emplois s’insèrent pour une grande partie dans les écosystèmes locaux et sont « non-délocalisables ».  Certains professionnels peuvent également trouver dans l’économie circulaire un complément de revenu, comme les agriculteurs qui valorisent les déchets issus de leur activité d’élevage grâce à la méthanisation.

D’un point de vue social, c’est forcément une économie dans laquelle les ménages plus modestes peuvent davantage se retrouver, puisqu’elle vise la gestion sobre et efficace des ressources. En effet, au final, les coûts que représentent les matières jetées sont forcément imputés au consommateur, que ce soit dans le produit de départ ou dans les taxes qu’il paye pour le traitement des ordures ménagères.

L’économie circulaire est un formidable tremplin pour renforcer l’attractivité et la résilience territoriale. Sentez-vous un intérêt dans les territoires pour ces questions ?

Il est évident que les collectivités, qui gèrent aujourd’hui le traitement des déchets, ont un rôle très important à jouer dans cette transition vers l’économie circulaire. Pour être efficaces et durables, ces changements doivent se faire en priorité au plus proche des citoyens. Les initiatives au niveau local se multiplient car aujourd’hui être en pointe sur ces sujets est effectivement un moyen d’être attractif. Pour certains territoires « en difficulté », par exemple ceux qui subissent encore les conséquences de la désindustrialisation, le développement de l’économie circulaire peut être le moyen de trouver, avec succès, de nouveaux modes de rayonnement. Je pense à la métropole d’Amiens dans ma circonscription, qui est identifiée comme Territoire zéro déchet, zéro gaspillage et qui porte, à ce titre, des initiatives en matière d’économie circulaire. Le centre de tri de la ville s’est par exemple doté d’une nouvelle technologie pour une valorisation optimale des déchets et la métropole s’est engagée à animer un programme de prévention à destination de ses habitants. Par ailleurs, l’économie circulaire comporte un fort potentiel de création de lien social au niveau local : par exemple, les nouveaux centres de réemploi et de réparation contribuent au développement d’un sentiment de solidarité et peuvent devenir des lieux de partage et de débat. Oui, je sens un intérêt fort des acteurs territoriaux pour ce sujet, et à raison puisqu’il allie renouveau, innovation, gains sociaux et environnementaux, et dynamisation locale.

Au-delà des mots et engagements, comment les élus peuvent-ils devenir les moteurs de la transition ?

Chaque jour, en tant qu’élu.e.s, nous sommes amené.e.s à écouter nos concitoyens, des entreprises ou des associations qui développent des initiatives formidables dans le domaine de la transition écologique. Il est du devoir d’un.e élu.e d’encourager et de soutenir ces acteurs qui s’engagent sur le terrain. En portant leurs revendications et en appuyant les projets vertueux, au sein des diverses institutions publiques de décision, nous devenons alors accélérateurs de la transition. Mais nous avons également le devoir de veiller à ce que cette transition écologique se fasse de la façon la plus juste et la plus efficace possible.

Prochainement, nous aurons à discuter le projet de loi sur la Feuille de route de l’économie circulaire (FREC). Les élu.e.s, dont les député.e.s, auront alors tout leur rôle à jouer en travaillant sur un texte qui devra être ambitieux. L’économie circulaire ne peut se résumer au recyclage : elle pense avant tout la réduction des déchets à la source, puis elle étudie comment tous les déchets des uns deviennent des ressourcent pour les autres. Enfin, elle écoute tous les acteurs qui œuvrent au quotidien pour inventer de nouveaux procédés et pour éco-concevoir nos biens de consommations. Le futur projet de loi doit être l’occasion d’accélérer ces tendances.

L’exercice de la démocratie est avant tout une aventure citoyenne. Comment la mobilisation des français(es) peut-elle accélérer le virage vers l’économie circulaire ?

Les citoyens font partie des premiers concernés par le développement de l’économie circulaire, en tant que consommateurs, mais aussi car tous les humains sont impactés par les pollutions générées par la production massive de déchets. Beaucoup expriment aujourd’hui le besoin de modifier leurs pratiques de consommation et d’aller vers un modèle plus durable et respectueux de l’environnement. En se mobilisant ou tout simplement en consommant différemment, ils envoient un signal aux acteurs publics et privés : « Nous voulons du changement. ». Lorsqu’ils portent des revendications collectives, notamment en se regroupant au sein d’associations qui mènent des actions, qu’elles soient de lobbying ou spectaculaires, les messages passent. Certaines campagnes de boycotts de produits « sales » ont pu être très efficaces, et l’œil du citoyen doit toujours être en alerte. Les « Plastic Attacks » par exemple, organisées par des associations dans plusieurs supermarchés du pays ont permis aux clients d’apprendre à se débarrasser des emballages en plastique inutiles à la caisse, montrant ainsi leur volonté de consommer en produisant moins de déchets. C’est là le point de départ d’une action politique juste, qui ne répond pas à certains intérêts privés.

Le Grand Débat a été un moyen de faire ressortir la volonté des français d’accélérer la transition vers l’économie circulaire : cela appelle les politiques que nous sommes à ne pas s’endormir, et c’est essentiel !

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