Émile Meunier, Fondateur de Meunier avocats, cabinet au service des acteurs de la transition écologique, a accepté de répondre à nos questions et de nous parler de sa vision de l’économie circulaire.
Quel est votre sentiment par rapport au potentiel que représente l’économie circulaire pour notre société, en termes économiques, environnementaux et sociaux ?
L’économie circulaire représente une véritable révolution de nos modes de production et de consommation. Les fabricants doivent dès l’origine penser nos biens pour qu’ils durent le plus longtemps possible, qu’ils puissent être partagés, et réutilisés plusieurs fois avant d’être recyclés facilement. Les consommateurs doivent apprendre à moins acheter, mais mieux et à partager. Je crois profondément que les entreprises qui auront mis au cœur de leur modèle économique l’optimisation de chaque particule de matière et d’énergie seront les seules qui réussiront dans la prochaine décennie. Ceci étant, l’économie circulaire n’en est qu’à ses balbutiements. Si l’on regarde les grandes tendances mondiales, par habitant, nous n’avons jamais autant consommé et jeté. La durée de vie moyenne de nos appareils a diminué. Même des produits à plusieurs milliers d’euros sont désormais conçus pour ne durer que 3 ou 4 ans maximum. Songez à l’état de la planète lorsque des continents entiers comme l’Inde ou l’Afrique adopteront nos niveaux actuels de consommation. Ne nous leurrons pas : ces difficultés, peut-être les plus grandes que l’humanité ait connues, ne seront pas surmontées par le seul progrès technologique ou organisationnel. La bataille est avant tout culturelle. Comment faire accepter à la population mondiale que son mode de vie doit changer ? Comment assurer une juste redistribution entre les pays, principalement occidentaux, qui ont tirés tous les fruits de la mondialisation et ceux à qui l’on dit maintenant qu’ils ne peuvent plus suivre noter notre modèle linéaire ? Comment faire accepter aux industriels que produire toujours plus est un horizon impossible ? Selon moi, la solution passe par l’échelle locale, celle qui touche les citoyens dans leur quotidien. Après le grand mouvement de la mondialisation, nous devons enclencher celui de la territorialisation. Nos territoires doivent le plus possible se rapprocher de l’autosuffisance sur les grands secteurs tels que l’alimentation, l’énergie, la mobilité, la gestion des déchets, la construction. L’économie circulaire, avec sa logique de boucles locales, apporte toutes les solutions.
Quelles transformations peut-on attendre de la future loi économie circulaire attendue cette année ?
Sans rentrer dans un inventaire des mesures à prendre dans tous les domaines, j’attends de cette loi qu’elle mette le paquet sur la réduction des déchets à la source et la reterritorialisation de notre économie. Par exemple, recycler les bouteilles en plastique c’est nécessaire, réduire leur utilisation en mettant en place des systèmes locaux de consigne en verre, c’est bien mieux. On peut multiplier les exemples. Ainsi, la réparation doit être mis à l’honneur. En effet, ce sont des emplois locaux au service du prolongement de la vie des appareils. Avec d’autres, je plaide pour la reconnaissance d’un véritable droit à réparer, qui comprendrait le libre choix de son réparateur, même non agréé, et un libre accès pour ce dernier aux plans de réparation, outils, logiciels et pièces détachées ; une durée minimale obligatoire de disponibilité des pièces détachées de 7 ans, l’appui à la création et au développement de filières de formation de techniciens de réparation ; l’affichage clair de l’indisponibilité des pièces détachées ; la création d’un fonds de soutien à la réparation pour diminuer son coût ; un engagement à faire baisser la TVA sur les activités de réparation, de réemploi et de réutilisation pour passer à une TVA circulaire à 5,5% lorsque les directives européennes le permettront ; la création d’un crédit d’impôt réparation et/ou d’un chèque réparation…
L’exercice de la démocratie est avant tout une aventure citoyenne. Comment la mobilisation des français(es) peut-elle accélérer le virage vers l’économie circulaire ?
Ici aussi nous devons mettre l’accent sur l’échelle territoriale. Lorsqu’une plage est recouverte de déchet plastique, les citoyens se responsabilisent et se réorganisent pour trouver des solutions locales. L’autre solution est évidemment l’éduction des enfants dans les écoles. Beaucoup de choses ont été faites. Quand je compare ce que j’apprenais avec ce qui est enseigné aujourd’hui, je suis optimiste. Mais on doit faire bien plus. L’apprentissage de la nature et de son respect devrait être au moins aussi important que celui des autres matières fondamentales.